
Bien dans son métier, bien dans son temps, bien dans sa tête ! Lobna nous livre avec passion et pragmatisme sa vision du bien-être au travail en tant que Directrice des Ressources Humaines. Son métier a fortement évolué ces dernières années avec la démocratisation du digital et des attentes de plus en plus fortes de la part des salariés et des candidats.
Peux-tu te présenter en quelques mots ? Qui es-tu et que fais-tu ?
Je suis Lobna Calleja, j’ai 40 ans. Depuis une vingtaine d’années, je travaille dans les Ressources Humaines (RH) toujours sur des missions généralistes. J’ai évolué de l’assistante de l’assistant de celui qui fait le café jusqu’au poste de DRH France, BeNeLux au sein de GEOX. Auparavant, j’ai eu la chance de travailler au sein de belles structures telles que Mappy.com, Revlon ou Calvin Klein.
Quelles sont pour toi les 3 qualités indispensables pour exercer le métier de Directrice des Ressources Humaines ?
Être bien dans ses baskets : Si tu n’es pas bienveillant(e) envers toi-même, tu peux vite te faire bouffer par le stress et la frustration des équipes.
Aimer et savoir gérer des problèmes : Sur des filiales de grands groupes notamment, tu dois gérer la stratégie et l’opérationnel en tant que DRH. Il faut savoir prioriser pour ne pas être saturé(e) par l’opérationnel. D’un point de vue RH, on passe son temps à éteindre les feux, mais il faut de temps en temps prendre du recul pour être davantage dans la prévention de ces feux.
Croire en ses équipes : Chacun a quelque chose à apporter. C’est fini la vision top-down « je pense, donc tu suis », les équipes en savent souvent beaucoup plus que leurs managers : comment il faut faire, comment optimiser, faire mieux avec moins. On ne les écoute pas assez.
Cette année sera l’année de l’intelligence collective ou ne sera pas !
« C’est fini la vision top-down “je pense, donc tu suis“, les équipes en savent souvent beaucoup plus que leurs managers »
Quelle est ta plus grande fierté ou réussite professionnelle ?
Mes équipes ! J’ai toujours eu la chance de construire mes équipes et je crois ne jamais m’être trompée dans le choix de mes collaborateurs.
Efficaces avec un grand sens du service, ils m’ont fait confiance et je n’ai eu aucun problème de management ou de motivation.
Le secret de notre réussite : plaisir et efficacité. On rigolait beaucoup et on bossait bien !

En tant que DRH, quel regard portes-tu sur le bien-être au travail ?
Ça ne sert à rien ! Parce qu’en plus, il faut qu’ils soient heureux ?!!! (rires)
Soyons très clair, si les entreprises s’emparent aujourd’hui du bien-être au travail, ce n’est clairement pas dans une optique philanthropique ! Cela fait cinq ans qu’elles ont vraiment pris conscience du lien important entre le bien-être et la performance. Des KPI importants tels que l’absentéisme, le turnover, ou encore les accidents du travail et les arrêts maladies, sont aujourd’hui suivis de très près.
Le baby-foot, les cours de yoga, les corbeilles de fruits, c’est super mais il ne faut pas se tromper d’objectif. Pour que les gens soient bien, il faut juste qu’ils aient les moyens de travailler. Améliorer les conditions de travail, c’est le basique du bien-être au travail : les bureaux, les moyens, les outils et l’organisation. Une fois qu’on a résolu les problèmes purement opérationnels sur lesquels les équipes perdent du temps, l’entreprise gagne en performance évidemment mais en plus les collaborateurs sont davantage contents et donc engagés.
En plus, tu peux mettre un baby-foot mais si les gens sont débordés, qu’ils bossent jusqu’à 21h, ils ne vont pas passer un quart d’heure à jouer au baby-foot !
Il peut même y avoir un côté pervers quand par exemple un salarié se détend 3 minutes en jouant au baby-foot, que toi DRH ou toi Manager tu passes à ce moment-là et que le soir venu, il te répond qu’il n’a pas eu le temps de terminer son travail. Difficile de ne pas penser « et pourtant tu as le temps de jouer au baby-foot ! » alors qu’il n’y était finalement resté que 3 minutes !
Pour toi, quel est le rôle d’un Chief Happiness Officer ?
C’est une vraie frustration ce métier car pour moi, ça fait partie des missions RH. Il est donc important que le CHO soit rattaché au service RH. Les Ressources Humaines doivent être leaders sur le sujet mais tous les managers doivent être des CHO.
Dans ma vision du bien-être au travail, tout le monde en est responsable : les équipes pour remonter les problèmes et proposer des solutions aux managers qui s’emparent du sujet pour co-construire les solutions avec les équipes.
Le Chief Happiness Officer doit animer cette démarche collective avec toutes les parties prenantes pour améliorer l’expérience collaborateur.
As-tu des astuces personnelles pour gagner la confiance des salariés lorsque tu arrives dans une entreprise ?
Tout d’abord, je réalise un audit d’une quinzaine de jours : diagnostic RH avec les retours terrain en one2one sur la politique de recrutement, la politique de rémunération, la communication interne, les formations, etc…
A l’issue de l’audit, j’ai une vision claire de la politique RH de l’entreprise et des actions que je dois mener. Une fois validée avec mon boss, je fais une réunion de présentation pour expliquer l’ensemble des missions gérées par le service RH. Il existe une forte méconnaissance de notre métier. Ils ne se doutent absolument pas de la variété des sujets traités.
Ne jamais mentir, ce qui est confidentiel ne peut pas être divulgué mais pour le reste, il faut toujours être honnête
Être disponible pour tous de la même façon, je ne vais pas être davantage à l’écoute pour un directeur commercial que pour une hôtesse d’accueil. Tous méritent la même attention.
Une autre astuce : L’entretien de sortie ! Les personnes n’ont plus rien à perdre et se livrent généralement avec une plus grande sincérité.

Quels seraient selon toi les enjeux de demain pour installer durablement le bien-être au travail dans les entreprises ?
Laisser les gens travailler : Arrêter de leur dire ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent faire. Dans 80% des cas, ils savent parfaitement ce qu’ils ont à faire. A force de les sur-encadrer, ils perdent leur envie et deviennent aigris. Arrêter de les contrôler et plutôt les accompagner pour co-construire les solutions.
Leur donner les moyens de travailler : Les gens ont des millions d’idées et sont frustrés de ne pas pouvoir les exploiter… même dans leur façon de travailler.
« Il faut revenir aux basiques : Laisser les gens travailler et leur donner les moyens de le faire. »
En quoi ton métier de DRH a-t-il changé et selon toi comment va-t-il évoluer ?
En fait, mon métier n’a pas changé dans sa finalité : faire en sorte d’avoir les bonnes personnes aux bons postes avec la performance en objectif commun. Mais il est très différent dans sa philosophie, la façon de faire, les outils utilisés et les attentes des différentes parties prenantes.
Avant, c’était mal organisé en interne, il fallait sur-travailler pour compenser cette désorganisation. On le savait et c’était normal. En externe, on faisait des super communications institutionnelles, on se faisait plaisir pour faire venir les collaborateurs. On te vend le paradis et quand t’arrives, t’es en enfer ! Et souvent c’est un peu tard.
Aujourd’hui, nous avons l’obligation de mettre en phase notre communication externe avec ce qui se passe en interne. Quand il y a une dichotomie entre ta communication institutionnelle et l’expérience collaborateur, tu n’es plus crédible ni en externe ni en interne. Le marché du travail se tend. Les candidats vont sur Glassdoor ou Linkedin quand ils veulent des informations sur ta société !
« Ce qui se fait à l’intérieur se voit à l’extérieur » dixit Danone et son bifidus actif.
Nous avons une obligation de résultat que peut-être nous n’avions pas avant. On est énormément challengé pour proposer une politique RH intelligente qui tient compte des contraintes et attentes de toutes les parties prenantes.
Tout se sait, on a moins le droit à l’erreur.
La DRH évolue de l’administratif vers le terrain, le management, la gestion des relations inter-personnelles. Automatiser les process, passer l’administratif sur du digital libèrent du temps pour mettre les équipes sur des missions plus stratégiques, qui apportent de la valeur. Nous allons pouvoir nous concentrer sur l’essentiel.

La question du quokka : Crois-tu qu’à l’avenir, le critère principal d’évaluation des DRH pourrait être le taux de bonheur au travail ?
Faire porter la responsabilité du bonheur au travail à la seule DRH, c’est beaucoup trop. Elle est bien sûr moteur mais elle n’est pas seule. Ce sont les managers de proximité qui doivent déployer la politique QVT. Il faudrait donc que ce soit un critère d’évaluation de tous les managers via des enquêtes de satisfaction ou des KPI.
Tous les acteurs de l’entreprise influent de près ou de loin sur la Qualité de Vie au Travail, même votre collègue de bureau.
Finalement, la DRH devrait plutôt être évaluée sur sa capacité à adapter sa politique RH en fonction de l’évolution des business, du marché, de la concurrence et des collaborateurs, les salariés de 20 ans n’ont pas les mêmes attentes que ceux de 30, 40 ou 50 ans.
Merci d’avoir partagé ta vision et ton expérience avec autant d’enthousiasme et de passion. Le mot de la fin est pour toi. Quel message veux-tu transmettre à nos lecteurs ?
« Le DRH est mort, vive le nouveau DRH !!! »
A propos de l'auteur(e)
Laurent CHASTAGNER
Je suis un entrepreneur passionné par les richesses humaines et déterminé à lutter contre le mal-être en entreprise. Co-fondateur de Quokkapi, j’ai donc décidé de m’investir à 200% pour démocratiser le bien-être au travail. Ainsi, je vous aide à mieux comprendre ce changement déterminant et vous incite à faire les premiers pas vers une entreprise bienveillante et plus performante… oui, c’est possible !
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